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René CABAU

René CABAU

Hommage

 

Allocution prononcée au Musée de la Résistance à Toulouse
Pour la remise de la photo, de René Cabau, dans ce Musée. 

Monsieur le Président du Conseil Général
Madame Thérèse Cabau ses enfants et petits enfants
Monsieur le Consul du Canada
Monsieur le Président du Conseil Départemental de la Résistance
Monsieur le Président de l’Association pour le Muséede la Résistance et de la Déportation
Messieurs les Parlementaires et les Elus locaux
Monsieur le représentant de la Commonwealth War Graves Commission
Messieurs les Présidents des Associations Patriotiques
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Chers camarades,  


René Cabau

Roger Pons

Jean Anouilh

Nous voici , aujourd’hui 8 octobre 2003, réunis pour honorer la mémoire de René Cabau.

En tant qu’ancien Résistant, faisant partie du même groupe, René je t’ai très bien connu. Tu étais mon très grand ami.

Je vais tenter de dire, ce soir, ce que tu as été et ce que tu as fait pendant les heures sombres de notre histoire en 1943 et 1944.

Tu es né à Toulouse le 5 juin 1922. Tu rentres dans la Résistance en juin 1943 avec, tes deux grands amis, Jean Anouilh et Roger Pons.

  


Vous étiez les tous premiers maquisards dans cette région. Ceux que le gouvernement de Vichy et les nazis vont appeler " les terroristes et les hors la loi ".

Personnellement j’ai fait ta connaissance en octobre 1943, au maquis du Haut-Nistos, sur les contreforts nord des Pyrénées centrales.

Vous étiez cantonnés dans une grange, située à 1 heure de marche, au dessus du village de Nistos (65).

C’est à partir de là ,que vous aviez déjà effectué de nombreuses opérations de sabotages contre les installations ferroviaires, les lignes électriques de haute tension, les usines de la vallée d’Aure et sur le Plateau de Lannemezan.

Je vais m’intégrer rapidement dans votre groupe dans lequel tu jouis de l’estime de tous tes camarades. Je vais me rendre compte, très vite, que tu étais un patriote lucide et très courageux.
L’hiver de 1943-44 a été très rude ; nous avons peu de vêtements et nous sommes mal chaussés.

Notre ravitaillement est très réduit, durant cet automne. Nous faisons des repas sommaires. Quelques pommes, des noix, des châtaignes, des haricots secs et du pain.

Comme le disait notre ami , Lezan d’Aureilhan (65),instituteur révoqué par Vichy : "ce n’est pas du camping joyeux  que nous faisons ".

Malgré cela , sous la conduite de Paul Chastelain, qui deviendra plus tard Maire de Tarbes, nous effectuons de très nombreuses opérations de sabotages.


Paul Chastelain

Fernand Pérébosch


Nos opérations se font toujours de nuit. Nous nous déplaçons toujours à pied, marchant sur l’herbe le long des chemins et des routes, en file indienne, en silence, en permanence sur le qui vive.
Nous rentrons avant le jour, fatigués par ces longues marches, mais heureux d’avoir réussi et de retrouver notre grange.

René tu étais de toutes les sorties. Nous avons vécu ensemble, à l’âge de 20 ans, il y a 60 ans de cela, des heures pénibles, dangereuses, parfois exaltantes mais aussi, des moments de bonheur et de joie lorsque nous avions réussi nos opérations.

Ce serait trop long de dire, ce soir, en détail tout ce que tu as vécu et enduré avec tes camarades.
René, ce soir, je tiens à raconter de quelle façon s’est déroulée la dernière opération que nous avons réalisée ensemble :

C’est le combat direct, en plein jour, contre l’occupant. Cette affaire va faire grand bruit et montrer, par le culot de l’action, que des maquisards peu armés vont pour un temps, ridiculiser la sécurité des troupes d’occupation :

Le 7 avril 1944 après une longue marche nous sommes, à 10 heures, dans la Rampe de Capvern, sur la nationale 117. Prêts à attaquer l’ennemi. Nous sommes huit.
Encore une fois René on se trouve côte à côte. Ce sont Jean Anouilh et Fernand Pérébosch qui vont donner le signal de l’attaque.

A la vue du camion ennemi, nous sautons sur la route, et c’est à bout portant que les allemands sont abattus, avec nos pistolets mitrailleurs, dans leur véhicule. La surprise a été totale et l’attaque si  rapide que l’ennemi n’a pas eu le temps d’utiliser ses armes.

Il faut nous replier rapidement. Nous avons 15 km à parcourir pour atteindre la montagne. Le commandant SS, de la gestapo de Tarbes, Blindaeur, furieux, monte rapidement avec ses troupes et les policiers de la région, une opération dans le but de nous intercepter.

Grâce à notre mobilité, à notre connaissance du terrain, nous allons une fois encore, nous fondre dans la nature et disparaître.
A compter de ce jour ce sera terminé, pour les Allemands, de faire du tourisme dans cette belle Région. Tous leurs déplacements se feront, à l’avenir, en convois armés.

Le lendemain, 8 avril, nous subissons une nouvelle attaque ennemi. Afin d’éviter les représailles nous sommes contraints à nous replier, sans combattre, sur le flanc nord du signal de Bassia ,au dessus des Baronnies, à 1500 mètres d’altitude. Nous y retrouvons la neige et le froid.

 


Rue Mondran à Toulouse


C‘est là, René, que nos routes vont se séparer. Par tirage au sort tu es désigné pour aller travailler à Toulouse où, de nouvelles et dangereuses missions t’attendent.

Malgré le secret, qui entoure nos identités, certains camarades savent que tu es père d’une petite fille. Ils veulent prendre ta place, tu refuses.

Après 11 mois passés  dans les contreforts nord des Hautes-Pyrénées, tu vas nous quitter. Fini pour toi les grands espaces de liberté dans la montagne. Tout jeune en ville il te sera difficile de passer inaperçu. Les nombreuses polices y règnent en maître. La délation existe également. Tu vas  devenir très vite un homme traqué.

Le 4 juin tu seras arrêté, du coté de la rue Mondran, par la police Allemande et Française. Va commencer pour toi un long calvaire.
Tu seras affreusement battu et torturé. Le doute va s’installer en toi de savoir si tu as parlé au cours de ces terribles interrogatoires. Sûrement pas car, aucun de tes amis, aucun de tes proches ne seront inquiétés par la gestapo.

Le 9 juin tu seras conduit sur le bord du canal, à Pompertuzat (31), où tes bourreaux vont te demander de quelle manière tu veux mourir.
Courageux tu leur fais face.


Canal du Midi à Ponpertuzat


Ils vont t’abattre de plusieurs balles de pistolet, parabellum, dans la poitrine, et de deux balles dans la tête, une y restera toute ta vie. Voulant te protéger tu as porté instinctivement la main à ta tête, les balles vont te sectionner deux doigts.

Ils vont t’abandonner, te croyant mort. Peu après leur départ tu as réussi à te déplacer avec beaucoup de difficultés. Tu aurais pu aller vers le canal du Midi et te noyer. Tu as été dans la direction opposée et tu es tombé, en contrebas du chemin de halage, dans un fossé. Nous sommes un vendredi aux environs de 15 heures.

Deux jours après, le dimanche  11 juin, Paul Drouet avec ses jeunes camarades, vont te découvrir. Cette découverte va te sauver la vie. Tu es là, depuis plus de 45 heures,  vivant, en plein soleil, à genoux. Le sang que tu as perdu est attaqué par la vermine. Tu es entouré de mouches.

Paul Drouet va prévenir le maire de Pompertuzat. Pour ce dernier c’est une énigme. Le maire se montre très prudent, il hésite à prendre une décision. René tu es resté très longtemps au soleil. Tu as énormément soif, une femme va te donner à boire.

Finalement c’est le jeune docteur Péres, de Castanet, qui va te faire transporter à Toulouse,  à l’hôpital de la Grave.
Tu parles, avec beaucoup de difficultés, mais tu refuses toujours de donner ton nom et ton adresse. Tu tiens toujours à préserver tes proches.

Un docteur, dont nous ignorons le nom, va t’opérer mais il ne pourra pas extraire une balle logée sous ton cervelet.
L’opération terminée, les sœurs de l’hôpital ne veulent pas te garder. Elles exigent ton départ ;comportement que l’on peut comprendre, mais qui face à un très grand  blessé, est  difficile à expliquer.

Très fatigué, à moitié inconscient, c’est alors que tu vas donner le nom de ta mère et c’est un voisin qui viendra, avec une camionnette de son entreprise, pour te transporter. Allongé à même le plateau de cette camionnette, tu vas quitter, clandestinement, l ‘hôpital pour te rendre chez ta maman qui ignorait ta présence à Toulouse. Tu es déjà considéré comme mourant.

Ton épouse, Thérèse, va faire preuve de beaucoup de courage et d’un dévouement exemplaire malgré le danger. Elle va , dans le plus grand secret, t’accompagner dans ce qui a été pour toi une lente et longue remontée vers la vie. Cela va demander plusieurs mois.


Hôpital de la Grave à Toulouse depuis la Garonne

 


108 rue Saint Michel à Toulouse


René Cabeau Commandant de la Légion d’honneur
  le jour de l'attribution du Canadian MSN avec M. Bordes

En novembre 1944 j’ai bénéficié d’une permission exceptionnelle, pour te rendre visite. Je t’ai vu, dans ton appartement, au premier étage, au fond d’une cour, au 108 grande rue Saint Michel.Tu es assis sur ton lit. Ta tète entièrement bandée. Tu ne m’as pas reconnu.

En 1956 le Président de la République, Monsieur René Coty, va t’élever, à l’age de 34 ans, au grade de Commandeur dans l’ordre National de la Légion d’Honneur. Tu es le seul, dans notre région à recevoir, si jeune, cette haute distinction au titre de la Résistance.

Ce soir ta photo va être placée, dans ce musée, à côté de celles de nombreux Résistants qui ont pris, comme toi, au péril de leur vie, une part importante dans la lutte contre les nazis.

René je tiens à dire, et ceci me paraît capital, que parti de rien, en juin 1943, tu vas avec tes amis faire preuve d’un très grand courage, de beaucoup de volonté, de lucidité et d’initiative en partant vers  les montagnes des Pyrénées.

Vous avez accompli de très grandes choses, mais ce qui me paraît être le plus important c’est que, par votre exemple, votre comportement, vos rencontres et les contacts heureux qui ont eu lieu, avec les habitants vous avez contribué à créer l’Esprit de Résistance. Ce qui va devenir une force redoutable à laquelle l’ennemi va devoir faire face.

Il est loin René le jour de ce mois de juin 1943 où vous étiez, seuls, dans cette grange, au Lita, dans le Haut –Nistos.

Grâce à l’action de nombreux patriotes cette zone, du Piémont des Pyrénées centrales, traversée par les voies de communications, Toulouse Bayonne, va devenir pour les allemands un secteur des plus dangereux.

Pour réduire cette résistance, l’ennemi va déployer des troupes le long de la nationale 117. Un bataillon, qui va se montrer très actif, s’installera à Lannemezan.


Plus de 120 résistants, des différentes organisations de résistances des vallées d’Aure , de la Neste, du plateau de Lannemezan et des environs proches, sont morts au combat ou ont péri dans les camps de concentration.

L’action courageuse des habitants, dans la lutte qu’ils ont menée, auprès des résistants, fera que ce secteur va être un des plus honoré de la Région. Les communes de Lannemezan, de Tilhouse, de Héches, situées dans un rayon de 10 km, vont être citées et recevront chacune, de monsieur le Ministre de la Défense, la Croix de Guerre (39-45).

René nous pouvons dire que tu as été, avec tes amis résistants, un grand artisan de  ce que je viens de relater. En vous engageant dans ce combat vous avez été le levain qui va faire naître et amplifier cette Résistance armée, contre l’ennemi, dans ces régions du Comminges et de la Bigorre.

Ce soir nous rendons un vibrant hommage à un homme, à un ami, qui par son courage, son combat sans faille pour la liberté et les souffrances qu’il a endurées, est devenu un authentique et légendaire héros de la Résistance à l’occupant nazi.
René tu resteras pour nous, anciens combattants et pour la jeunesse de notre pays, un valeureux et inoubliable exemple.

Bordes jean
Ancien du Maquis de Nistos Esparros

 


Cabanes "Au Lita" dans le Haut Nistos

Le 1er juin 2006, le maire de Toulouse, Monsieur MOUDENG à inauguré, dans le quartier de Borde Rouge à Toulouse, une rue portant le nom de René Cabau.

Le 15 septembre 2006 une passerelle, qui porte le nom de René Cabau,a été inaugurée sur le bord du canal du Midi à Pompertuzat (31450). La ceremonie a été organisée par monsieur le Maire de la commune et par monsieur Paul Drouet. Elle s'est deroulée à proximité du lieu où a été abattu, par la Gestapo,René Cabau le 11 juin 1944.